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Il a chanté la paix des fins clochers de France,
La résignation candide et la souffrance
D’humbles êtres que l’homme inique tortura,
Et, descendu pour lui du paradis des bêtes,
C’est un petit ânon pensif qui portera
Son cher Francis au paradis des purs Poètes.

{Ballades contre et Sonnets pour).


L’OMBRE ENCHANTEE


(Nuit d’opium)


 
L’ombre s’écarte autour de la lampe allumée
Qui nous enferme en son halo de nacre et d’or…
Le doux Poison s’enfle et grésille… L’ombre dort.
La perle fauve, au bout de l’aiguille, est formée.

Parmi les entrelacs flottants de la fumée,
C’est à peine si ma chair vile existe encor.
Mais l’oiseau Rêve, s’enlevant d’un mol essor,
Sous son vol vague fait fleurir l’ombre charmée.

S’éteignent, peu à peu, les pas et les rumeurs
De la rue et les yeux vacillants des fumeurs…
Autour de l’apparent trépas l’ombre est vivante,

Et loin du triste corps gisant, l’oiseau de feu,
L’Esprit s’est envolé d’une aile triomphante
Pour planer dans l’éther infini, comme un dieu.


(Ballades contre et Sonnets pour).