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la tête pâle et bouffie oscille, inerte, aux pas houleux des rudes porteuses. L’homme tient à la main un enfant plus âgé qui se fait traîner non passibus æquis, et, trébuchant à chaque moment, distrait par le paysage ensoleillé, nouveau pour lui, s’attire des rebuffades paternelles.

Ce lundi de Pâques, un joyeux soleil dispersait les brumes blondes estompant encore les côteaux lointains que l’on voit à gauche de la route vers Laeken et Koekelberg. L’air était vif et piquant. Le chemin manque d’accidents. Poudreux et nu, bordé de distance en distance par quelques plants de hêtres, malingres nourrissons qui auraient bien besoin, eux aussi, de l’intervention de Saint-Corneille, c’est comme la voie qu’il faut à ce pèlerinage de déshérités. Aux bifurcations, de petites chapelles crayeuses, grillées, sollicitent l’aumône des passants. En revanche, les autres « chapelles » sont rares depuis Schaerbeek. Les habitations se comptent aussitôt qu’on a dépassé les dernières maisons du faubourg. Aussi, d’ingénieux débitants ont-ils établi des buvettes ambulantes sur les accotements et les flacons de liqueurs flambent au soleil comme des topazes ou des émeraudes et amorcent les gosiers irrités par la poussière. D’autres aigrefins, appartenant à la classe vague des bonneteurs, attirent les faibles par la tentation du lucre dans un jeu de grec, furet ou lansquenet, et font passer dans leur escarcelle pis que profane l’offrande destinée au saint pape Corneille en faveur de