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tapa son crâne, sa face, ses yeux, à coups de poing avec une rage qui s’accroissait à chaque bourrée.

Nol, accroupi dans l’âtre, frappait en riant la crémaillère avec les pincettes ; et dans le vent de nuit, dehors, le chien hurla.

L’homme étranglé, il y eut une détente chez les assassins. Balt prit sa tête à deux mains, sombre, étonné de ce qu’il avait fait, et Bast alla à la porte, en proie aux coliques de la peur. Puis ils poussèrent le cadavre sous la table et burent ce qui restait de genièvre. Tous deux s’étaient assis, devenus faibles comme des enfants.

L’ouragan avait grandi.

Un arbre craqua sur le chemin. Balt se leva en sursaut, croyant qu’on venait pour l’emmener, et Bast, plus mort que vif, fit le signe de la croix, machinalement. L’énorme coup de vent passa, mugissant au loin.

Alors ils furent talonnés de la hâte d’enfouir le cadavre.

— Prenons-le par la tête et les pieds, dit Bast.

Ils tirèrent Hein à eux, soufflèrent la lampe, et, s’arrêtant à chaque pas portant le cadavre du côté de la mare au fumier. Elle était profonde. Tandis que Balt écartait les pailles pourries à coups de fourche, l’autre eût une pitié.

— Laissons-lui ses vêtements ; il aura moins froid, fit-il doucement.

Et, en même temps, il glissait ses mains dans les poches du mort, pour les fouiller.

Le corps s’enfonça la tête en avant, et la vase du fond, remuée, remonta à la surface avec un bruit de vésicules qui crèvent. Puis ils prirent une perche à houblon, tâtèrent la profondeur de la mare, cherchant à connaître la position du cadavre ; et ensuite ils jetèrent sur la fosse des feuilles mortes et des pailles.

Quelqu’un se mit à rire derrière eux, au moment où ils se retiraient, ayant fini.

C’était Nol l’idiot ; il les regardait, les yeux dilatés par l’étrangeté de la scène, en riant et en grommelant.

— À l’écurie ! gronda Balt.

L’autre ne faisant pas mine de comprendre, il le prit, le poussa, pinçant sa chair à travers ses habits et le faisant hurler.