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courageux — cherchant par sa pensée constante à créer héroïque l’âme de son fils. Madame de Montgomery le lui reproche doucement :

À quoi pensiez-vous, ô ma mère,
En me portant ?
À quelque terrible chimère ?
Je souffre tant !
Vous rêviez toujours de bataille
Disant : « Je veux
» Qu’il soit un franc de haute taille
» Aux blonds cheveux ! »

Le vœu ne fut qu’à demi-exaucé ; la haute taille est venue, les cheveux blonds aussi ; aussi l’âme fière, courageuse, avide de gloire ; mais cette âme de jeune preux, cette âme de guerrier se débat dans un corps de femme, et n’ayant pu avoir l’épée dont sa mère lui enfantait la noble folie, Mme de Montgomery prend la plume :

Forgé sur une dure enclume,
Mon jeune cœur
Voulait l’épée : or j’ai la plume
Glaive vainqueur,
Glaive tranchant comme l’épée
D’un officier.
Ma plume écrivant l’épopée
Est en acier.



Tout concourt pour la rendre sérieuse : son enfance passée près d’une mère maladive et déçue la prive des jeux de son âge ; à l’heure où les bébés font des pâtés de sable, Lucy Ditte, concentrée, rêveuse, parlant bas pour ne pas troubler sa chère malade, rimait déjà. Passionnée pour la Grèce et les mythes, elle tressait des fleurs dont elle se couronnait, et petite prêtresse gauloise, elle récitait ses vers aux oiseaux du ciel… Ses hivers passés dans le Midi, pour la santé chancelante de madame Ditte, lui mettent dans l’âme le robuste amour du plain air, du grand soleil, des vastes horizons. La solitude de son enfance sert à solidifier la vigueur native de son esprit créé mâle par sa mère. Elle est hantée par des rêves de gloire et de dévouement. Elle voudrait sauver son pays, se battre pour lui, mourir en le défendant… et plus tard devenue jeune femme elle s’écriera :

Je veux être quelqu’un, je veux être un poète,
Et s’il faut de mon sang que je marque les pas,
Je m’ouvrirai moi-même et le cœur et la tête :
Mourir sans laisser d’œuvre est un double trépas.