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LA VIE DU PEUPLE
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imprimé sur papier bleu, où depuis 1830, au-des­sus du poème : L’Hiver, patinent les mêmes enfants, surveillés par de belles dames en robes à paniers et leur dociles maris en hauts-de-forme ; où parle toujours en dictons aussi sages, le brave vieux cultivateur ; où l’on tue en novembre le cochon impérissable ; où l’on ne manque pas d’exposer à nouveau les règles du jeu de piquet. Le bon vieil almanach, charmant à force d’être coco, qui sent l’ail et le jambon de la ferme pendus au plafond de la cuisine enfumée.

Je débarquai à Luxembourg récemment, certain jour de l’octave, consacré à la catholique Lorraine. Les Ardennais de Belgique, ceux de France, Vianden, Ettelbruck, Dierkirch, Trêves, les Allemands viendraient, me disait-on, les jours suivants, implorer à leur tour Notre-Dame de Luxem­bourg. Ils étaient deux mille pèlerins, transfuges de Pont-à-Mousson, de Toul, de Nancy, de ces lieux dont m’avait entretenu magnifiquement l'Appel au soldat, à animer de leur débandade les rues étroites de la calme ville grand-ducale.

Ils portaient sur la poitrine une rondelle d’étoffe bleue sabrée de deux croix rouges. Des femmes mûres, leur panier à provisions au bras, traînant