Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
ANTÉE

nous. L’Amérique refusa nos secours : superbe, elle prétendit se suffire à elle-même. La vie recommença pareille ; ils agirent immédiatement sans se lamenter à l’infini. Cette catastrophe, c’était déjà la cendre du passé. “ J’ai fait de tout, j’ai roulé partout ” dit Thomas Pollock. “ Tout cela est passé et c’est comme un rêve qu’on a fait. ”

Des tentes furent érigées à deux pas des débris fumants. On a pu voir dans les grands illustrés combien peu navrant était l’aspect de ces demeures provisoires. Ici une cage d’oiseau se balance ; voici les raquettes du tennis (j’espère qu’ils ne vont pas jouer...). Plus loin, un jeune homme rend visite à une dame qui l’accueille en souriant sur le seuil de la tente. Au-dessus d’eux, s’aperçoit un avis officiel, intimant aux sinistrés l’ordre de prendre toutes les mesures de salubrité nécessaires : “ Obéissez ou vous serez fusillés ! ” — Voici enfin trois associés discutant devant les ruines fumantes, assis sur de grosses valises, au milieu de la rue. L’un d’eux est en pet-en-l’air et serre entre ses pieds un sac que l’on devine rempli d’argent. La vie continue, la vie continue comme la machine à saucisses de Chicago où vient de tomber la jambe d’un ouvrier....