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LES ARTS ET LA VIE
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une pensée qui s’adapte au jour vivant, un cri à pousser dans le silence qui stagne ou à travers le charivari des clameurs qui sont clamées… C’est qu’un souci semblable au nôtre habita le crâne et sculpta le front de notre maître. « Je suis homme et je vis, je possède aujourd’hui, donc je suis le centre du Temps et le dépositaire des trésors des Hommes, ceux qu’ils ont découverts et que sur la terre, orgueilleusement, ils étalent, ceux qui, comme le charbon, demeurent encore cachés, qu’il faudra extraire de la matière éternelle ; et cela étant, que faire, que puis-je faire, que dois-je faire ? Si telles sont mes puissances, quels sont mes devoirs envers les autres et moi ? » Ce Carlyle, il est vrai, est un sage, autant dire une conscience de l’humanité. Chacun, dans sa cellule, travaille : le criminel, le marin, la mère, le soldat, l’ouvrier, le poète, pour lui apporter un document, un exemple, un chiffre — chacun soi même. Mais cette vérité, qu’il cueillit avec goût, qu’il foulait furieusement, que sa sagesse distilla, à tous ses collaborateurs inconscients il l’offre ensuite, dans la coupe rugueuse d’une des proses les plus dures et les plus éclatantes que je con­naisse. Ô exemple admirable, qu’il nous faudrait évoquer chaque jour comme le pieux catholique