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LA VIE DU PEUPLE
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galopaient sur les planches des navires à quai, au-dessus des eaux lourdes de la baie, avec leurs charges de blé. Caruso chantait Verdi devant une salle délirante et constellée de diamants...

La vie fiévreuse s’exaltait dans cette ville bien américaine, âgée de cinquante ans, bâtie au cœur d’un Paradis terrestre et où des fortunes s’édifient, où des ruines se consomment en un instant. Et quelques heures après.....

Il n’y eut rien qu’une secousse et ceci que les maisons, les gigantesques skyscrapers et les cabanes misérables, s’affaissèrent sur elles-mêmes comme la grosse femme que frappe tout-à-coup l’apoplexie. Cependant, les incendies s’allumèrent sur plusieurs points de la ville. “ Tout brûle et la flamme du temps est attachée à nos os et les compagnies d’assurance n’y peuvent rien. ” Ainsi s’exprime dans l’Échange, ce drame sauvage de Claudel, Lechy Elbernon, la terrible maîtresse du milliardaire Thomas Pollock, créature de cauchemar dont le visage m’apparaît toujours comme éclairé par les flammes du punch. Il y a dans ces paroles un flegme très comique plutôt qu’une tragique résignation.

Il semble que les habitants de San-Francisco aient accepté un peu de cette manière le désastre. C’est à peine si une plainte parvint jusqu’à