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ANTÉE

M. Léo Larguier publiera au printemps de l’an prochain un roman en vers, Jacques, en lequel il est traité de la vie quotidienne, mais sous une forme assez différente de la plate manière employée depuis Sainte-Beuve chaque fois qu’il ne s’agit pas de la Muse et du grand appareil lyrique. Cette nouveauté, la grandeur de toutes les choses de la terre, exprimée en un noble langage et mise à ce point de perfection où pouvait arriver l’auteur des Isolements, semble devoir con­stituer un genre nouveau en notre littérature.

Le Parc a donné, l’autre soir, une pièce de deux auteurs belges, dont l’insuccès a été avoué par l’unanimité de la presse. Peut-être les véritables raisons de l’attitude répulsive d’un public, d’où la camaraderie était loin pourtant d’être absente, n’ont-elles pas été comprises de MM. les journalistes. Ceux-ci, tirant à hue et à dia, veulent, les uns, que les auteurs n’aient pas assez connu le métier tout parisien de faire une comédie, les autres qu’ils l’aient trop connu et qu’ils aient oublié de faire du théâtre belge. Pour belge, d’après ce qui nous en revient, leur œuvre l’était incontestablement, et nous inclinons à croire qu’il n’a fallu que cette raison là d’une franche incompatibilité d’humeur entre le public et eux. Le public peut tâtonner sur le choix de ses plaisirs ; mais il a l’instinct précis et juste qu’il n’y a pas deux théâtres, pas plus qu’il n’y a deux littératures de langue française. MM. Liebrecht et Morisseaux étaient donc excellemment inspirés si, étudiant les maîtres de la scène moderne en France et écrivant en langue française, ils ne tentaient pas vainement d’être nationalistes en art. Mais ils l’étaient moins en essayant de peindre des hommes et des mœurs qu’ils ignoraient parfaitement, et c’est autour d’eux qu’ils auraient pu chercher leurs modèles, tout en