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LES ARTS ET LA VIE
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Tantôt je retrouverai la rue paisible, comme provinciale, où mon foyer est allumé. Je n’aurai pas eu le temps, au seuil, de m’attendrir comme je le voudrais, sur cette paix, cette province, la rentrée hâtive des employés, des maris, des pères, sur la complainte que chante au vent et au réver­bère le marchand de journaux, sur le sanctuaire du dieu Marron qui brille et fume dans une cave, sur le silence lunaire du jardin effeuillé de l’opulent voisin, que déjà je me trouverai installé devant le beaf et la salade, devant trois frimousses — familières et chères — et que je penserai, sans doute sans m’en apercevoir, à tous ceux qui comme moi — ah ! égoïsme des songeries ! — sont assis, amitieux et affamés, autour de la nappe éclairée — famille, foyer, honnêteté, repas bien gagné, et l’hymne des pieds froids saluant les chaudes pantoufles !…

— Monsieur, voici le courrier…

Courrier du soir… Journaux enduits de froid humide. Les Chambres et les suicides… Revuettes dressées sur leurs ergots, pour cocoricoter les belliqueuses déclarations puériles que nous avons tous, sans doute pour éprouver notre gosier, cocoricotées — et des vers où il y a la petite-bonne-amie-d’un-soir portant des noms splen-