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LES ARTS ET LA VIE
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les boutiques, dans l’obscur des consciences, drame dont ceci n’est qu’une lueur. Nous savons bien, ô sages, que nous ne buvons que la mousse d’un amer et puissant breuvage... On ne peut pas tout ressentir, tout aimer et tout dire, au même moment...

Et puis je n’ai pas tout dit. Je voulais proclamer l’hiver comme ma saison préférée, la saison des hommes. Je la proclame encore et je la proclamerai. Sur le printemps-été règnent le ciel, les fleurs, les rimes et les hannetons. Ici l’homme et ses quatre compagnons inséparables : l’argent, l’amour, la maladie et la pensée.

De rappeler les maux de notre corps ce n’est pas le moment. Et si je ne vous parle que de l’argent du riche — ou du misérable qui a l’air de l’être — c’est que l’argent du pauvre ne roule pas sur la pente de la Montagne de la Cour — où je passe... d’où il me semble vous écrire, lecteur, ô frère et ennemi de Baudelaire ! Sont-ce des hommes, des femmes, en vérité, sont-ce des voitures, qui se précipitent du haut vers le bas de la ville, ou bien plutôt de grosses thunes sonores et décidées, des louis brillants, déguisés en viveurs, ou en cabotins feignant de vivre, ou en pauvres hommes et femmes qui vivent ? Vers des plats,