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LES ARTS ET LA VIE
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Comme c’est agréable qu’on ait bâti cette ville au flanc d’une colline ! Ceux qui la descendent ont l’air de courir à cent belles folies. Où vont ils, s’écrie-t-on, comme la réclame du cor­donnier. Au bas de la pente les bijouteries, les théâtres, les restaurants, les cabarets de nuit, les gares — la dépense et la fête, les départs, la mêlée des hommes et des femmes, l’argent et l’amour. Le pas des chevaux est lent qui remontent — parce qu’il est dur de gravir cette pente roide, mais on dirait que c’est parce que les véhiculés sont chargés de butin... ou de remords, tristes, vidés, ou exagérément enrichis...

Toutes les âmes de la ville escortent les voitures ou sont portées par elles aux entrepôts, aux hôpitaux, aux lupanars, aux cirques de la destinée. Sont portées les rentes sures et la morgue de la vieille femme laide, la veine de l’agent de change, la vogue de la grue, l’alcoolisme du sportsman, le bluff du fils de famille, la fille de la grosse mère dont le mari est gros industriel en province. Les escortent l’envie de la bourgeoise gênée... et de toutes les femmes, la réprobation des vertus, la bêtise respectueuse des marchands et des pauvres, l’imagination des adolescents... Acteurs et spectateurs, tous s’enflent de cette