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LES ARTS ET LA VIE
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de nouveau hommes et concitoyens. — Le froid et l’ombre se sont abattus, comme de terribles génies aux grandes ailes, sur les toits montueux, sur les vallées des rues, sur les parcs pareils à des troupeaux soupirants, et l’on a apporté les lampes, le poêle fut allumé, et tous, sous la flamme tutélaire, se serrent autour du feu. La chère intimité ! La bonne sécurité ! La lumière ne vient plus du ciel mais de nos demeures, de nos étalages, de nos cafés, de nos théâtres, et partout elle appelle les hommes à une réconfortante familiarité. Les enfants prodigues sont revenus chez leur père, et tout ce qui leur était familier avant l’escapade, ils le retrouvent en souriant ou en pleurant de joie.

Ces images sont peut être excessives, mais un poète se complaît à parer sa pensée. On pourrait dire, pas plus exactement, mais plus simplement, que cet automne où s’ouvre la saison d’hiver ravit tout homme sensible. Il n’est pas de vagabond, au cœur de fer, qui, au Pôle ou à l’Équateur, ne tremble d’amour et de regret en pensant à la petite chambre où sa mère coud, dans la petite rue sombre de sa petite ville. Et ceci, ce Bruxelles, notre grande maison, notre patrie si nous en avons une, il nous émeut violemment d’y vivre, quand il ressuscite parmi les cris, les roulements, les