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ANTÉE

breux cortège de serviteurs, portant les dons consacrés par la tradition ; on vit les saintes femmes allant chez l'unguentarius et dissertant avec lui sur les vertus et le prix des baumes, destinés au corps sacré du divin Maître ; on vit le Christ lui-même tantôt costumé en jardinier, tantôt vêtu de la robe et portant sa croix ; on ouït les ricanements des bourreaux, l’étrange charabia des rois venus d’Orient (Office de Rouen), les chants d’allégresse des anges et les vociférations des démons.

Marie-Madeleine, dans la passion de Benedicktbeuern, nous est dépeinte avant sa conversion ; elle dit, en strophes régulières, son goût des voluptés terrestres ; elle associe des compagnes à ses jeux ; elle appelle du sourire un “amator” et elle achète des parfums et des fards. C’est la contrepartie, déjà savamment calculée, de sa conversion, de sa visite au marchand d’oignements, de sa ren­contre avec Jésus ressuscité.

Mais le rimeur monastique a été embarrassé, à l’endroit où il s’agissait de faire comprendre au spectateur que la courtisane était touchée de la grâce divine. A-t-il songé au deus ex machina antique ? C’est possible, car les clercs lisaient les classiques latins avec une assiduité qui nous étonne. Il a donc eu recours à une apparition. Un ange,