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HEURES DES PETITES VILLES
GRISES.
I
LES ORPHELINES.


Le long troupeau des orphelines
Dont les mains froides aux longs doigts
Se cachent sous les capelines,
Suit le trottoir étroit comme un éteau.

Sur leurs fronts mats un écriteau
Marque leur place : Hors la Vie !
Leurs os sont raboteux et froids
Comme les pierres de la sacristie.

Sous leurs bonnets de laine noire
Les cheveux coupés courts ou coiffés plats
Semblent, sur leurs crânes las,
Des cilices sur de l'ivoire.

Et leurs yeux gros de désirs et de jeûnes
Se ferment lentement, comme des fleurs,
Auxquelles il faudrait, pour être jeunes,
La divine onction des pleurs.