Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/663

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
NUIT DE JUIN
645

d’être là, défaillantes et pâles,
sans personne !
Torses brandis et bras tordus,
tout cet amour insatisfait gisant par tas,
j’en veux ramasser à pleins bras ;
tous ces désirs mêlés, tout cet amour qui brûle,
les corps offerts lugubrement au lèchement des vents en feu,
j’en veux
mettre plein ma poitrine et plein mes strophes chaudes,
afin qu’il rôde
dans la chambre de ceux qui mourront
aux tiédeurs fades d’un crépuscule
et que ces moribonds
tout à coup secoués d’une sauvage envie,
en raidissant leurs mains, leurs lèvres et leurs fronts,
se tournent vers la vie.
Et les temps par delà les temps s’écouleront,
si bien qu’un soir
— toutes les femmes étant mortes du délice
de consumer leur chair au feu rouge du vice —
les hommes connaîtront encor le désespoir
de vivre, hélas ! et ne pouvoir,
ayant sommeil, dormir,
tant l’approche de la nuit
se fait pesante et bruit.
Les derniers hommes connaîtront l’épuisement,
encor, d’étreindre l’air fugace follement,
et ne sachant plus s’endormir,