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À JOSÉ MARIA DE HEREDIA.


 
Poète, te voici dans tes voiles funèbres
Descendu vers le Styx. Il est encor matin,
Mais Charon éveillé rame dans les ténèbres,
Et sa bourse de cuir rend un son argentin.

Sur la rive, là-bas, attend une cohue…
Vois, quelqu’un te fait signe au milieu de ces morts…
Théophile Gautier l’aurait donc reconnue
L’odeur des verts lauriers sur ces sinistres bords ?
 
La barque est là, Charon tend sa main qui tressaille,
Tu donnes ton obole et tu montes, hélas !
Mais le noir batelier s’étonne, et la médaille
Où d’un burin habile et sûr tu ciselas

Quelque antique profil de femme d’Agrigente,
Demeure dans sa main écaillée et reluit,
Seule sur le Styx lourd qu’aucun reflet n’argente,
De tout son clair métal, dans cette longue nuit !


Léo Larguier.

La Grand’Combe, 4 Octobre 1905.