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LE MONUMENT DE VERLAINE
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J’admire l’ambition du Vers Libre,
— Et moi même que fais-je en ce moment
Que d’essayer d’émouvoir l’équilibre
D’un nombre ayant deux rythmes seulement !


Il est vrai que je reste dans ce nombre
Et dans la rime, un abus que je sais
Combien il pèse et combien il encombre,
Mais indispensable à notre art français,


Autrement muet dans la poésie,
Puisque le langage est sourd à l’accent,
Qu’y voulez-vous faire ? Et la fantaisie
Ici perd ses droits : rimer est pressant.


Que l’ambition du Vers Libre hante
De jeunes cerveaux épris de hasards !
C’est l’ardeur d’une illusion touchante
On ne peut que sourire à leurs écarts.


Gais poulains qui vont gambadant sur l’herbe
Avec une sincère gravité !
Leur cas est fou, mais leur âge est superbe.
Gentil vraiment, le Vers Libre tenté !


Verlaine voyait-il que ses propres alexandrins, brisés à l’excès, et toutes ces césures trop vagues, telles qu’on les trouve dans la pièce même que je