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LE MONUMENT DE VERLAINE
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avec force, le socle est orné puissamment. Dans son ensemble, le monument imposé ; il sera, certes, à effet sur une pelouse, sous un feuillage mobile, dans le jardin de Luxembourg, par exemple.

Je sais qu’autrefois le Sénat avait refusé un emplacement dans son jardin, par rancune : Verlaine s’était moqué des sénateurs, dans quelques-uns de ces vers improvisés qu’il écrivait sur une table de café, à la fin de sa vie.

Tout cela est sans doute oublié aujourd’hui. Que l’on dresse donc Verlaine dans ce jardin du Luxembourg, tout près de Leconte de Lisle. Ils pourront se faire des grimaces. Ils ne s’aimaient guère.

Verlaine était gamin, et il avait un esprit du diable. Lorsqu’il apercevait Leconte de Lisle dans un bureau de tabac, occupé à choisir un cigare de deux sous, il y entrait à son tour et demandait un havane. Puis il l’allumait avec ostentation.

Je crois que Verlaine a toujours admiré Leconte de Lisle, son maître au temps du Parnasse. Il ne sentait pas que le rythme de ses vers rappelle ce bruit que font les bagages roulés dans les gares.

L’un et l’autre furent des poètes.