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ANTÉE

de l'absinthe et des femmes préfèrent celui de leurs pensées.

Et, a premier qu’on l’ouvre, ces dialogues semblent une singulière macédoine : des idées, toutes les idées vivantes en ce temps, qui sortent de leurs boîtes, viennent se montrer, s’entre­ choquer les unes et les autres, et qui s’en vont sans avoir pris le temps de nous toucher : cela est beaucoup, et prouve chez cet écrivain une belle activité d’esprit.

Cela est beaucoup, surtout si l’on songe à la sinistre pénurie intellectuelle où se débattent un grand nombre de prétendus écrivains et même d’écrivains véritables ; ce n’est peut-être pas le bout du monde.

Le livre de Divoire, pour ainsi parler, c’est de la pensée pure : peu d’images, aucun artifice que celui d’une conversation où les idées naissent du choc de deux esprits semblables, — les idées à peine exprimées, sans développement oratoire ni comparaison fleurie, — aucun usage, sinon dissi­mulé, des systèmes antérieurs, aux moyens desquels on fixe d’ordinaire l’esprit du lecteur, lui assurant ainsi un repos et une manière de sûreté qui le rend plus confiant ; — mais au contraire, une