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ANTÉE

du marronnier ; puis ce sont les vignes vierges qui dénouent leur parure écarlate ; le saule qui pleut des feuilles pâles sur l’eau dormante des bassins. Les arbres, suivant leurs essences prennent des coloris magnifiques, bizarres, des teintes de feu, de topaze et d ’or. Le corail des sorbes éclate dans le vert assombri du rameau ; les branches sveltes du peuplier retiennent, çà et là, des papillons clair­ semés qui tremblent au moindre vent. L’air tiède imprègne toute chose d’une langueur pénétrante. Il fait plus beau qu’au mois de juin ; le ciel d’octobre “ pâle et pur ” se magnifie, au couchant, d’une gloire d’apothéose. Pourtant une tristesse émane du paysage, comme d’un ami qui va mourir. Tout à l’heure, sur le parc Monceau, à travers les corbeilles de chrysanthèmes blancs, de sauges pourpres et d’héliotropes déjà mordus par le froid pré­coce des matins, le soleil fusait en gerbes irradiées, avivant les ors, muant les fleurs automnales en sublimes pierreries. Et ces vers d’André Lemoyne, qui fut un poète mineur plein d’élégance, chan­taient en ma mémoire, évoqués par la douceur de l’heure et la mélancolie de la saison :

.... son amour ressemble aux fleurs de cimetière :

Riches sont les parfums et riches les couleurs,