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ANTÉE

Indécise, elle lui tendit la main, un instant les cils battants espéra la phrase qu’il ne prononçait pas ; puis un peu dépitée, s’en fut vivement retrouver dans l’ascenseur Boboli qui s’impatientait.

Pressées désormais de communiquer à la Ténébreuse le récit de cette matinée, les jeunes femmes en courant eurent tôt fait de regagner leur appartement, et déjà, la porte poussée à l’étourdie, elles se précipitaient quand l’aspect de leur amie arrêta net leur entrain.

Debout, pâle et les traits tendus, la Ténébreuse semblait accabler du poids de son ressentiment le malheureux Derlon qui, assis au coin de la che­minée, l’écoutait en silence et la tête baissée. L’entrée de Cadichon et Boboli à peine l’interrompit-elle : sans détourner les yeux, comme si elle eût entendu marquer qu’elle tenait pour rien leur présence. — “ Eh ! je sais bien, continua-t-elle, que ce n’est pas votre faute si j’étouffe d’ennui et de mépris, ici comme ailleurs, comme partout... Dieu merci ! je vous rends cette justice, vous ne vous épargnez guère : vous faites tout ce que vous pouvez !.. Je ne vous reproche rien aussi, pas même de ne point saisir au juste ce dont je suis excédée... Il est certains jours pourtant où il