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ANTÉE

printemps ; sur un dos, quelque aventure surprenante ; aux coins d’une bouche, de toutes petites taches rouges ; et sur une nuque, une volée d’oiseaux, un perroquet dans une cage, une branche de fruits, un papillon, une araignée, un nain ivre, ou bien, simplement, quelques initiales.

Le souper, préparé par l’ingénieux Rambouillet, était incomparable. Jamais il n’avait imaginé menu plus exquis. Le consommé impromptu seul eût suffi à établir la réputation immortelle de tout chef. Que dire alors de la Dorade bouillie sauce maré­chale, du ragoût aux langues de carpes, des ramereaux à la charnière, de la ciboulette de gibier à l'espagnole, du pâté de cuisses d’oie aux pois de Monsalvie, des queues d’agneau au clair de lune, des artichauts à la grecque, de la charlotte de pommes à la Lucy Waters, des combes à la marée et des glaces aux rayons d’or ? Un vrai tour de cuisine, qui surpassait même les fameux petits soupers offerts par le Marquis de Réchale à Passy, et que l’Abbé Mirliton déclara “impeccable et trop bon pour être mangé”.

Ah ! Pierre-Antoine Berquin de Rambouillet, tu es digne de ta divine maîtresse !

La faim vulgaire céda bientôt devant les instinct plus raffinés du pur gourmet, et les vins curieux, frappés dans des seaux de neige, déten-