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LA TÉNÉBREUSE
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Ils retrouvèrent Boboli et Raymond à l’entrée de la Promenade. Une affluence élégante, oisive et sans hâte emplissait à présent les allées du vaste jardin. À tous les carrefours des chaises étaient rangées. On s’y arrêtait, des groupes ainsi partout se formaient et les ombrelles ouvertes des dames faisaient des taches crues dans le demi-jour, tandis que le bruit confus des conversations flottait mollement sur la brise. Honteuse du fardeau dont Latour était encombré, Cadichon cependant ne prétendit point s’engager plus avant — “ Ah ! non ! “ déclara-t-elle, ” En voilà assez pour aujourd’hui. Si on rentrait à présent... ? ” Pressée de se débarrasser des colis dont elle-même était empêtrée, Boboli volontiers y consentit.

Tout en regagnant l’hôtel, Cadichon qui marchait à côté de Latour ne cessait de le dévisager à la dérobée d’un air de respect attendri. Philippe à la vérité n’était guère loquace ; à peine semblait-il s’apercevoir de la présence de sa compagne ; de temps en temps, seulement, ainsi qu’on fait à un enfant, il lui souriait avec douceur. Cadichon qui n’en demandait pas tant, brusquement, alors s’empourprait. Au seuil de l’hôtel toutefois, comme ils se quittaient sans que Latour parlât de prendre rendez-vous, une ombre se mêla à son plaisir.