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ANTÉE
CHAPITRE PREMIER.

L’Abbé Fanfreluche, étant descendu de son cheval, hésita un instant sous l’ombre de la porte- cochère de la Colline mystérieuse, troublé par la crainte exquise que le voyage d’un jour n’eût trop cruellement dérangé le laborieux raffinement de sa toilette. Sa main, svelte et gracieuse comme celle de la marquise du Deffand dans le dessin de Carmontelle, jouait nerveusement dans les cheveux d’or tombant sur ses épaules comme une perruque finement frisée, et les doigts erraient de point en point sur une toilette précise, apaisant les petites mutineries de la cravate et des manchettes.

C’était l’heure de la chandelle, lorsque la terre fatiguée met son manteau de brumes et d’ombres, lorsque les bois enchantés sont animés par les pas légers et les voix grêles des fées, lorsque l’air est entièrement rempli d’influences délicates et que les beaux eux-mêmes, assis devant leur table de toilette, rêvent un peu.

“ Un délicieux moment ”, pensa Fanfreluche, pour s’esseuler.

À l’endroit où il se trouvait, lourdes de parfums, ruisselantes d’odeurs, d’étranges fleurs ondoyaient languissamment. Herbes obscures et sans nom