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ANTÉE

le matin brillait sur la ville. À l’abri des toiles tendues, l’ombre pourtant demeurait fraîche. Une brise salubre d’ailleurs soufflait par bouffées : à nouveau, on respirait l’humide odeur d’eaux et de verdures qui partout semblait suspendue. Avec délice, Cadichon et Boboli jouissaient de l ’allé­gresse que l’air, l’heure et la cohue propageaient autour d’elles. Elle se tenaient par le bras. De temps en temps, se retournant vers les deux hom­mes qui les suivaient, elles interrogeaient des yeux Latour qui, de loin, leur commandait de pour­suivre : légères elles repartaient aussitôt sans voir Daquin qui du geste les priait de ne point tant se hâter. Mais brusquement, devant les vitrines du bazar qui une heure plus tôt l’avait attirée, Cadi­chon derechef tomba en arrêt. Rien ne put cette fois la retenir de satisfaire son irrésistible envie, et Boboli continuant avec Daquin qui s’était em­pressé de l’entraîner, elle entra, suivie de Latour qui souriait complaisamment. Une grosse pendule à coucou, du premier regard, fixa son choix : de ne point paraître le désapprouver, elle estima Philippe davantage. La plus tendre reconnaissance ensuite la pénétra lorsqu’elle vit le jeune homme prendre sous son bras le lourd paquet que déjà elle allait regretter de ne pouvoir emporter.