Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
540
ANTÉE



Très-Éminent Prince,


Je ne sais par quelle mésaventure le fait d’écrire des épitres dédicatoires est tombé en désuétude, à cause, soit de la vanité des auteurs, soit de l'humilité des patrons. Mais la pratique m'en semble si belle et bienséante que j'ai tenté un essai dans cet art modeste et dépose avec formalités mon premier livre à vos pieds. Je crains fortement, il me faut l'avouer, d’être accusé de présomption en choisissant un nom aussi sublime que le vôtre pour le placer en tête de cette histoire ; mais, j’espère que pareille censure ne me sera pas appliquée trop à la légère, car, si je suis coupable, ce n'est que par le plus naturel des orgueils que mon sort me permet de faire voguer sous votre protection le petit navire de ma fantaisie. Mais, encore que je sache m'acquitter de pareille charge, j’ai toujours envie d’user de l’excuse, car avec quelle figure puis-je vous offrir un livre traitant un sujet aussi vain et fantastique que l’amour ? Je sais que beaucoup de gens considèrent l’amour comme une chose honteuse et ridicule ; en effet, il faut convenir que l’on a plus rougi pour l’amour que pour n’importe quelle autre cause et que les amants sont un éternel objet de risée. Cependant, comme l’on constatera