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LA TÉNÉBREUSE
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Tant de gaîté peu à peu avait attiré autour d’elles un concours indiscret et amusé. Au seuil du salon où elles s’étaient attablées, des groupes se massaient ; on se les montrait en souriant ; pas un regard qui à les rencontrer ne se fit attentif et insistant. À un éclat de voix de Boboli, un murmure d’hilarité et d’approbation enfin répondit. Interdite, elle s’arrêta. Latour en même temps détourna la tête ; son visage brusquement avait repris son expression hautaine et glacée ; s’étant mis debout alors, d’un ton sec, il proposa aux jeunes femmes de poursuivre de compagnie la promenade.

Pendant qu’elles prenaient les devants, Daquin qui depuis l’entrée de Philippe paraissait préoccupé, se rapprocha du jeune homme, et à voix basse — “ Votre sœur, demanda-t-il hâtivement, ne vous a rien dit à mon sujet, tout à l’heure, quand nous nous sommes croisés... ” Le signe négatif que lui fit Latour visiblement le rassura : d’un pas plus allégé il s’en fut rejoindre Cadichon et Boboli qui tournaient curieusement parmi les lilas et les roses du petit jardin.

Une clarté prompte et brûlante éclatait aux façades polies, faisait tièdes sous les pas les dalles des trottoirs. Comme un cristal plein d’arêtes,