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ΑΝΤÉΕ

commettez-vous pas l’erreur que trop souvent on commet en Belgique, celle de ne considérer comme littérateurs que les seuls écrivains d’imagination ? Et encore, parmi ceux-ci, plus spécialement les écrivains qui pratiquent un art exclusivement personnel, c’est-dire ceux qui ne donnent des choses qu’une interprétation originale, qui les déforment de leur vision particulière et qui, en somme, parlent perpétuellement d’eux-mêmes en voulant parler de n’importe quoi ? C’est là un art qui peut être grand, selon la personnalité de l’interprète, mais le romantisme, vous en conviendrez, n’est pas toute la littérature française. Pas plus d’ailleurs que les seules œuvres d’imagination ne sont les seules œuvres littéraires. J’en suis convaincu, pour vous comme pour moi le domaine des lettres est plus vaste et plus peuplé.

J’ai parlé aussi de membres associés. Et sur ce point, j’ose espérer que nous nous entendrons encore plus facilement. “ La France, dites-vous, devrait être considérée par nos écrivains français comme leur patrie. ” Et vous ajoutez : “ Écrivains français, nous sommes citoyens de la France. ” Cela veut dire, sans doute, que notre foyer littéraire est Paris et que notre littérature fait partie de la littérature française. Or, précisément je vous offre le moyen de resserrer les liens qui nous attachent à la France littéraire. Les dix membres associés ne seraient évidement que des écrivains français.

J’ai jusqu’ici, d’accord avec vous, parlé d’une “ Académie ”. Mais voici qu’à la fin de votre article, je lis ceci : “ Une Com­mission est utile. Une académie serait inutile et nuisible. ”

Oh ! ce n’est plus qu’une querelle de mots. Vous envisagez, si je vous entends bien, l’utilité matérielle. Je l’envisage aussi, mais j’y ajoute l’utilité honorifique. Ce sont deux utilités qui ne se contrarient pas. Une “ Académie ” serait en même temps utile et honorifique : utile, elle tirerait de son sein (ô douce vision !) une commission de poètes chargés de décerner