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DIEU À PARIS
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régime de la force et de la dureté. Ce sont les débiles qui font du Sandow. Est-ce qu’aux hommes sains une vie de travail et de marche ne suffit pas, une vie d’espérance et de gain, de combat et d’égoïsme naturel ? D’ailleurs leur Maître l’a dit :

“ Les hommes bien pensants, mais faibles, ont
“ parfois recours à la dissimulation et prennent
“ visiblement une attitude injuste et dure, pour
“ donner l’impression de la force. ”

On était tout pénétré encore de l’émotion russe et déjà l’on se sentait gagné par l’héroïsme Nietszchéen. On était à la fois Alexeï et Ivan Karamazov. Il faut citer le cas de Charles Louis Philippe. Il avait une âme aimante, délicate et apitoyée ; il avait publié des pages, presque célèbres déjà, d’un sentiment mélancolique et sensuel. — Et relisez Bubu de Montparnasse : l’auteur écrit d’abord l’histoire d’une petite prostituée : “ Pauvre petite sainte ! ” Puis il dresse la figure du souteneur, le mauvais esprit de la fille Berthe. — Et parce que Bubu est fort, “ petit, mais costaud ” Philippe s’éprend de cet homme fort, en fait la figure centrale qui domine l’œuvre et l’écrase. Le livre oscille entre les deux senti-