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DIEU À PARIS
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Et c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge,
Et vient mourir au bord de votre éternité !

Le siècle dernier vit plusieurs folies. On fut romantique, pâle et chevelu ; on buvait des liqueurs de feu dans des crânes humains ; on portait des vêtements ardents comme des cœurs, et l’on avait des passions trop vastes. Puis l’on était dandy, sceptique et cavalier. Puis impassible et beau “ comme un rêve de pierre. ” Puis l’on devint enfin charitable et social. On visitait les pauvres, on soignait les malades, on vénérait les simples. Prince Muichkine ! Petite Sonia ! Et tout à coup une voix s’éleva, hallucinée, rude et furieuse, qui répétait la parole séculaire : “ Væ victis ! ” Elle disait encore, avec cet air d’ironie que l’on n’ose pas affronter : “ N’ayons donc pas l’air si tendres ! ” Et cela suffit. Nos bons frères ceignirent leurs reins, chaussèrent les souliers de guerre et regardèrent fixement devant eux, disant : “ Nous sommes des hommes durs et libres. ”