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DIEU À LONDRES
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d’un public qui parfois la prisa trop, et d’autres fois trop peu, mais qui ne distingua jamais entre le meilleur et le plus médiocre parmi ses œuvres, sauf à le plus souvent préférer le plus médiocre.

Je me demande si aucun autre public peut être autant que le public anglais incapable de considérer une œuvre d’art comme œuvre d’art, sans lui demander autre chose. Je me demande si cette lacune dans l’instinct d’une race qui possède en elle l’instinct de la création, marque un dégoût momentané de la beauté, dû aux influences puri­taines, ou bien simplement, une inattention pire encore, qui proviendrait de cet écrasant impéria­lisme qui annihile les énergies du pays. Sans doute, la foule est toujours ignorante, toujours injuste, mais y a t’il d’autres foules, opposées avec tant de persistance à l’art, parce qu’art, que le public anglais ? D’autres pays ont leurs préférences : l’Italie et l’Espagne pour deux espèces de rhétoriques ; l’Allemagne exactement pour le contraire de ce que conseillait Heine disant : “ Avant tout, pas d’emphase ! ”. Mais je ne vois en Angleterre aucune préférence, même pour une mauvaise forme d’art. L’art, pour être toléré, doit emprunter un manteau et un nom.

Arthur Symons.