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DIEU À LONDRES
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aujourd’hui s’amende en l’exaltant au delà de ses mérites à un point de vue littéraire, au point que le romantisme faux et insincère qui fleurit dans Salomé, dans ses poèmes et dans plusieurs de ses essais, est accepté de confiance comme si la tragédie personnelle l’avait transsubstantié en vérité et en sincérité : tels sont les périls de l’art en Angleterre ; tant le pendule oscille sans remède possible. Combien de gens d’ici admettront jamais que The Soul of man n’est pas le moins du monde un meilleur morceau de littérature parce que, dans la suite, son auteur fut jeté en prison ; et que De Profundis n’en est pas moins bon, parce qu’il fut écrit dans la geôle ? Je rencontre de ces confusions jusque dans l’esprit de certains gens de lettres. Combien plus doivent-elles exister dans l’esprit irraisonnable de la foule, qui ne sait reconnaître aucune chose dans son essence, mais seulement dans ses accidents. C’est le propre de toute grande œuvre que justice lui soit rendue tôt ou tard, par le fait seul de l’insistance de son “ vouloir vivre ” , et le public n’y a aucun mérite.

La justice vient rarement, avant qu’il ne soit trop tard, apporter aide ou satisfactions à ceux qui dans le cours des temps en héritent. Aujourd’hui, George Meredith est non seulement loué, mais