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ANTÉE

Wilde anxieux d’être un artiste, mais ce n’était pas lorsqu’il était sérieux qu’il y parvenait. Il vivra par ses comédies et c’est pourtant Salomé qu’on agite comme la bannière de l’art pour l’art.

La situation de Wilde telle qu’elle était à l’époque de son procès et telle qu’elle se présente aujourd’hui, donne une curieuse indication de cette invariable et irrationnelle oscillation du pendule qui marque le temps pour le public britan­nique. Je me souviens qu’avant que son jugement eut été rendu, les journaux anglais parlaient du “ sieur Wilde ” et que sur l’affiche d’une de ses pièces, à la porte d’un théâtre renommé, le nom de l’auteur était discrètement caché sous une bande de papier vierge. Après que le jugement eut été rendu aucun journal anglais n’osa plus parler de lui et ses pièces disparurent des théâtres. Il est encore à conseiller de mettre sur les affiches, “ par l’auteur de Lady Windermere’s Fan ”, mais ses pièces sont de nouveau jouées, et ses livres, d’abord tirés de l’ombre par un timide éditeur, sont à présent republiés par un plus courageux ; et en un mot, Oscar Wilde est revenu, à présent qu’il est trop tard pour qu’il jouisse avec une sorte d’auréole de cette ironie suprême ; et le public, qui fut son ennemi sur un terrain moral,