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DIEU À LONDRES
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un anglais d’y répondre. Nous n’avons pas de corps d’idées, pas de principes généraux d’art, pas d’écoles, pas de groupes, nous n’avons que des individualités. Des mots tels que : symbolisme, naturalisme, voire romantisme, sont étrangers à notre sol, et lorsqu’ils y paraissent, ils sont consi­dérés comme des curiosités. Nous avons de bons et de mauvais écrivains, voilà tout. Nous eûmes Carlyle, jadis, qui était un prophète, et Ruskin qui était un prêtre ; à présent, nous avons Swinburne, qui est une voix de l’extase, Meredith, qui est une voix de l’intelligence pure et Hardy, la voix de la terre. Pour découvrir des écrivains aussi grands, il nous faut tourner les yeux vers la Russie, où vit encore Tolstoï. Mais en Angleterre, nous n’avons pas d’équivalent d’un Maeterlinck, d’un Maurice Barrès, d’un Remy de Gourmont ; nous n’avons pas de grandes intelligences qui, de façon désintéressée, travaillent sur les idées.

Je pense qu’étant donné la production actuelle, nous pouvons nous considérer comme égaux aux autres. J’ai nommé un grand poète, Swinburne, qui appartient à une génération aujourd’hui presqu’éteinte, lequel, en outre d’une inspiration lyrique, possède une technique plus variée que celle de Shelley, plus miraculeuse que celle de