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ANTÉE

goutte de l’élixir de la vie. En Angleterre, aucune œuvre d’art n’est achetée ni admirée pour elle-même par plus d’une personne sur mille. Nul ne va au théâtre voir une pièce parce que c’est une grande pièce, mais parce qu’elle est jouée par M. Tree, ou parce qu’elle fut annoncée avec fracas et parce qu’on dépensa autant de milliers de livres pour la monter. Les gens vont voir Shakespeare, c’est vrai, comme ils vont à l’église le dimanche, parce qu’il convient de le faire. Ils vont entendre au concert le quatuor Joachim, pour la même raison ; il me semble pourtant qu’il est un art qui en Angleterre trouve quelque écho naturel dans le public, c’est la musique. Nous avons eu de grands écrivains et nous n’avons pas de penchant général à la littérature ; de grands peintres et peu de goût pour les peintures ; mais notre grand musicien Purcell semble prouver en vérité notre amour instinctif de la musique. Compensation encore ; le niveau général est plus élevé et, comme une conséquence, la production exceptionnelle amoindrie.

Et maintenant, prié de dire quelque chose des idées artistiques actuelles de l’Angleterre, je trouve aussi naturel que quelqu’un qui n’est pas anglais me pose cette question, que difficile pour