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ANTÉE

rançon de la liberté, et la liberté caractérise essentiellement l’idiome littéraire du grand siècle du moyen-âge qui est le XIIe siècle, celui de Chrétien de Troyes et de Thomas, l’auteur du plus beau Tristan. La syntaxe de ces écrivains tolère parfois trois et quatre groupements des vocables exprimant un même détour de pensée. Seul, immuable et infaillible, l’accent latin pèse, dès les origines, de tout son poids sur la langue d’oïl, comme sur la langue d'oc et la langue de si. Notre première versification n’a pu se dérober à cette tyrannie de la nature, qui, à la différence de tout despotisme humain, est tolérable et même nécessaire. De là, dans la poésie d’essence populaire, le maintien de l’accent en une dignité, que le syllabisme et le fétichisme de la rime lui ont retranchée ailleurs. Par le retour à une tradition qui est en nos moëlles, le symbolisme a bien mérité de ceux qui aiment et scrutent notre lointain passé. Mais combien il y a donc à rabattre des accusations de bouleversement inutile élevées contre lui ! C’est tout un château de cartes qui s’écroule, et l’on découvre que les cartes étaient, par surcroît, biseautées !

M. Wilmotte.