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ANTÉE

bien une musique des mots, une musique de la syllabe, une musique de tel ou tel son vocalique ou consonnantique. Les prédilections naturelles d’un peuple pour les sons de l’une ou l’autre caté­gorie ne s’expliquent que par un instinct particulier de sa sensibilité, et cet instinct a su déterminer les modifications organiques, dont se ressent l’émis­sion gutturale et buccale, et qui donnent la coloration particulière de chaque langue. Ce n’est pas un simple hasard qui a multiplié les désinences en a dans le suédois, les langues du midi de l’Europe et le sanscrit, qui a doté le français d’un jeu plus complet de linguo-alvéolaires, les langues germa­niques d’une abondance inusitée de gutturales, qui a favorisé le rhotacisme à Rome, tout en refusant au latin l’s sonore, les chuintantes, la plupart des diphtongues et certaines vélaires. Des différences ethniques expliquent seules, par les préoccupations inconscientes de beauté qui leur correspondent, d’autres phénomènes plus mystérieux, par exemple l’étrange conservation du son latin u, du w et du ch (sch) germanique dans les patois wallons du Nord. Il n’est pas jusqu’à la syntaxe dont les règles, nées de l’usage populaire et littéraire, ne subissent l’action du rythme phonique, au point qu’une étude nouvelle a éveillé et groupé des