Page:Antée, revue mensuelle de littérature, 1906-06.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PETITES ÉTUDES D'HISTOIRE LITTÉRAIRE
465

si noblement exaltés, surgirent des théoriciens, nous affirmant, à la même minute de littérature, que le verbe peut, aussi bien que la note musicale, suggérer des sensations communicables, et que c’est vers cela que gravite l’effort du présent !

M. Nordau, dans un livre qui fit grand tapage, excommuniait sans pitié les défenseurs de cette doctrine : “ Ramener, disait-il, le mot lourd d’idées au sens émotionnel, c’est vouloir renoncer à tous les résultats de l’évolution organique et rabaisser l’homme, heureux de posséder le langage, au rang de grillon qui grésillonne ou de grenouille qui croasse ; aussi bien les efforts des symbolistes conduisent à un radotage dépourvu de sens, mais nullement à la musique de mots cherchée, car celle-ci n’existe tout simplement pas. Nul mot humain de n’importe quelle langue n’est musical en soi. ” (I)

Rien n’est plus capable que cette affirmation, maintenant oubliée, de nous démontrer les dangers d’une science trop fraîche et ambitieuse d’universalité. Car — et c’est un philologue de métier qui écrit ceci, en quoi il prouve qu’un philologue n’est pas nécessairement anti-littéraire — il est bel et


(I) Dégénérescence I, 246.