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ANTÉE

dans l’épaisse nuée d’un idéalisme vague, mysti­que, confinant aux pires divagations.

Or, comme l’établit M. de Souza avec exactitude, loin de sortir du réel, l’art de ses amis cherche à s’y enfoncer plus profondément. De cet effort résulte, comme il est inévitable, un classement des idées et une “ construction lyrique ” (I), qui ont dérouté nos habitudes et indisposé notre paresse. Au XVIe siècle, si l’on daigne s’en souvenir, Joa­chim du Bellay provoquait de même l’ire de Fontaine et des disciples entêtés de Marot par la turbulente nouveauté de ses affirmations et l’audacieux pédantisme de son style, tout crénelé de grec et de latin ; au siècle suivant, le fondant, le melliflu des expressions du sentiment amoureux chez Quinault, puis chez Racine, indignaient Saint-Évremont, grand et bel esprit pourtant, et causaient


(I) Ceci est à méditer : “ Jusqu’à ces dernières années, la poésie
“ en France, n’avait jamais été complètement elle-même ; elle
“ ne se séparait guère de l’éloquence, de la philosophie, ou de
“ l’histoire anecdotique. Une ode de Victor Hugo est encore un
“ discours ” en trois points ; un poème de Musset, un “ plai-
“ doyer ” ; un autre de Leconte de Lisle, une “ narration ” précise,
“ documentée. On s’est efforcé de donner à la poésie sa valeur d’art
“ particulière, indépendante de toute autre forme d’expression. Là
“ est la découverte certaine, absolue, du symbolisme. ” Toute la
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