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APAISEMENT.


Le bon silence emplit la gorge ainsi qu’un miel
Qu’en de sombres pavots a cueilli le soleil :

C’est la nuit de midi sur le rêve immobile.
Les pays inatteints dans la paix se profilent.
 
Nous n’irons plus dormir aux quais noirs des vieux ports,
Mais sans rame et sans mât nous voguerons encor
 
Loin du visage humain et des larges yeux traîtres,
Où, divin, le pêché rit et commande en maître.
 
Ma poitrine est une urne obscurcie du parfum
De tant d’amours flétris et s’ouvre à l’air marin.
 
La rouille du baiser durcit ma bouche amère,
Qui dans tes seins profonds oubliait la lumière,
 
Sirène au souvenir mauvais. Sous le vieux toit
Du ciel, ô bouge de beauté, je fuis de toi !
 
L’horizon dresse au creux du jour son mur liquide.
Qu’importent les chemins où mon hasard me guide
 
Si l’Océan me couche un soir entre ses bras !
L’air s’effeuille et m’enclot en ses pétales las...
 
On entend, on voit fuir un ange aux ailes calmes
Dont chaque plume est aussi lourde qu’une palme

Paul Drouot.