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MATIN
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L’ACCAPAREUR.


Son désir eut choisi ces époques guerrières
Où la haine brandit des torches meurtrières.
Il eut bien dépassé l’arrêt de son destin.
Dictateur ! Il eut pris dans sa solide main
Le pouvoir. Il eut compté le Trésor publique
Des héros transformés en forces algébriques.
De la mer à la mer, de pays en pays
Son nom eut éclaté. Il eut tout pris
Et la victoire ailée eut casqué d’or sa tête.
Mais il était trop tard pour la belle conquête
Et le voilà pensif et tour à tour distrait
Goûtant au vieil ennui quelque plaisir secret.
Il est tranquille. Il a conquis en joie humaine
Ce que présentement enferme son domaine.
Le figuier s’étiole et la pêche mûrit,
L’ingrat laurier au fond de son jardin noircit,
Assis devant sa porte il relit les poètes
Où son désir multiple en rythmes se reflète,
Et nul ne voit monter de ce cœur au sang lourd
Du Corse adolescent le politique amour.

LE TÉMÉRAIRE.

Du charme d’exister solitaire attendant
Un plaisir à la fois quiet et haletant,
Il distingue le sens des plus humbles présages