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ANTÉE

exemple, — n’aura l’idée de rapprocher deux tisons enflammés ou d’apporter des feuilles sèches, même sur un foyer en ignition.

Aussi, dans toutes les familles humaines, le feu règne en despote sur la mythologie. Étudier son histoire, c’est entreprendre le plus long voyage mythique, c’est parcourir le cycle divin, de l’aurore au crépuscule des Dieux.

Le primitif, étonné du miracle tutélaire qu’il venait d’enfanter, reconnaissant au foyer qui cuisait ses aliments, affûtait ses armes et le proté­geait contre les bêtes nocturnes, eut bientôt fait de diviniser. L’Aryen lui voue un sacrifice de beurre et de liqueur fermentée ; de même le Toungouse ou le Lapon lui donne les prémices du phoque et du renne conquis sur l’éternel hiver.

Cette force que l’homme éveilla par le frottement du bois sec ou le choc du caillou recèle un pouvoir de civilisation. Dès qu’il est maître du feu, le Primate mal évolué des cavernes et des cités lacustres accède à la vie sociale, dompte les éléments, bâtit pour lui-même et pour sa postérité des demeures agréables. Il édicte la Loi et pressent la Beauté. Prométhée est à la fois l’artiste et le forgeron. Vulcain l’Héphestos hellénique, travaille les métaux précieux, les façonne tour à tour en