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JOURNAL DES REVUES
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je ne crois si bien servir l’idéal qu’en me servant moi-même, et que je ne me saurais servir moi-même sans imaginer qu’y gagne l’idéal.

En quoi M. de Gourmont s’avère-t-il l’auxiliaire de ma conservation ? Serait-il disposé à dire du bien de moi ? Dans ce cas, on ne saurait nier que j’aie péché : c’est un véritable crime de tirer (même avec du sel) sur l’homme enclin à enrichir de quelque inscription, de quelque monument, l’accès du désert sans retour. Mais l’agréable voix de M. de Gourmont ne sera jamais une voix dans le désert.

Je divise, disait un humoriste, le monde en deux classes : I° ceux qui sont disposés à servir ma destinée et ma gloire ; 2o ceux qui servent ma destinée et ma gloire, quoique n’y étant pas disposés.

J’ai rangé M. de Gourmont dans la seconde classe. Il sert ma destinée, puisqu’il me procure l’occasion de disputer avec M. Thomas. Il favorise ma gloire, puisqu’il est cause que M. Thomas parle de moi.

L’humoriste susdit ajoutait quelquefois qu’il n’y a pas un homme qui, disant ce qu’il pense, ne passerait pour humoriste. Il avait tort.