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ANTÉE

de lettres français : l’absence de lecteurs dès que ce n’est pas du Prévost ou du Bourget.

D’ailleurs les vers de Mme Delarue-Mardrus étaient beaux ; non pas classiques, ni purs, ni d’une facture tout à fait originale ; mais harmonieux, prenants, subtils, avec de merveilleuses épithètes (grande mer aux bras bleus), et sinon éternels, du moins caractéristiques, et marquant bien les tendances de cet auteur, un des plus inté­ressants parmi ceux de ce temps.

Les chants tragiques de Sapho — tels que les a voulus Mme Delarue-Mardrus — nous racontent son amour pour le jeune Phaon, qui la dédaigne ; le désespoir jaloux de ses compagnes, de son amie Anactoria (que représentait exquisément Melle Berthe Bovy) (1) ; et enfin, lorsque Phaon avoue son amour pour la petite Mélinoé, le départ de la grande Sapho pour la mer et Leucate.

Melle Delvair tenait le rôle de Sapho : grande, superbe avec ce masque de bête blessée, d’amou­reuse tragique qui fait d’elle une inappréciable actrice, elle emporta de furieux applaudisse­ments.


(1) Qui n’a pas son portrait de Mlle Bovy ? Bons Belges, courez chez le marchand de cartes postales.