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LE VOYAGE À ORANGE
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devant ce public de troisième république et lui présenter ce qui est le plus loin de lui, la grandeur simple, la noblesse vaincue, le poète, “ épave au vague et lent dessein ” , avec ses bras de miséreux étendus dans le vide, et n’y trouvant qu’une espé­rance immatérielle, le baiser de la Muse. Et celle-ci, vêtue de blanc, divine, et toujours belle en chacune de ses attitudes, on ne savait si c’était une femme de ce temps, ou la consolatrice, la réelle, la grande, la magnifique Poésie. Pour une actrice qui représente Euterpe, celle qui sait plaire, mère de la pastorale et des jeux, c’est un suprême honneur de n’avoir plus de nom et de rester dans le souvenir des hommes comme ces marbres retrouvés en le fond de la terre et que l’on appelle au hasard ou Vénus, ou Livie.

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L’essai de Mme Mardrus, ce n’était encore pas du théâtre. Je n’engagerai personne à donner à la scène de ces sortes de poèmes dialogués : sans doute cela satisfait le poète et l’amateur de poésie, mais je crains que l’on ne rebute un public plus large, celui du théâtre, celui qu’il faut toucher, et prendre, et conquérir, celui qui nous sortira de cette extraordinaire crise ou se débattent les hommes