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ANTÉE

phocéenne un petit berger qui le comprend et l’aime ; un marchand de bestiaux qui le raille, et avec lui toute la poésie ; et enfin Euterpe venue de l’Hymette pour recueillir son dernier souffle et conduire ses funérailles, c’était un sujet et, si le dialogue lyrique que nous a donné M. Elzéar Rougier n’a pas remporté un véritable succès, c’est que la scène demande, outre la poésie, je ne sais quel mouvement qui double le lyrisme et l’élargit jusqu’à toucher les spectateurs.

À cause de cette absence de passion, je m’attachai surtout au côté plastique de cette représentation, et aux qualités des acteurs. Melle Mancini, petit berger bruni par le mistral, était aimable à voir et joua très justement son rôle, extrêmement lyrique, et dont elle sût marquer toute l’ampleur. M. Ravet, en marchand de porcs, fût extravagant de graisse, de verve, d’abondance prosaïque : il avait découvert une tunique vert pomme d’Amérique qui excitait le rire sitôt qu’on l’apercevait. Mais la beauté plastique de la pièce, il était donné à M. Gorde et à Melle Barat de nous l’offrir : la barbe blanche, comme il est dit dans le buste classique d’Homère, le corps raviné par les ans, et seulement couvert d’une tunique sordide, le geste rare, les mouvements larges et brusques, M. Gorde savait s’arrêter