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ANTÉE

conduire au supplice, ressemblent à ceux de Clytemnestre et de sa fille Iphigénie. (Il est vrai que M. Polti démontre l’impossibilité où l’on est au théâtre de quitter certaines situations).

D’autre part, qu’Hécube vengeresse crève les yeux de Polymnestor, cela est un peu du Shakespeare, et non pas du Sophocle.

Enfin, — et cette critique touche plutôt un jeu de scène de cet excellent acteur qu’est M. Ravet — lorsque Hécube se tue, l’attention des spectateurs est toute entière fixée sur ce Polymnestor aveugle qui traverse le théâtre en hurlant sa douleur, en sorte qu’une mort si naturelle surprend et ne semble pas suffisamment motivée.

Et d’ailleurs ce qui me froissait surtout dans cette pièce, c’était ce débordement de drame humain, (ce côté était excellemment rendu par Melle Roch, Hécube douloureuse et pleine de vigueur) : je me rappelais l’opposition classique entre Sophocle et Euripide, celui-ci employant des passions toutes mortelles, et l’autre plus rapproché des dieux, plus pur, plus simple, sublime et sans défauts ; je me disais que peut-être il n’y avait plus place de notre temps pour une tragédie semblable à celle de Sophocle ; et, tout en reconnaissant la nécessité d’une action, je regrettais de ne pas