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LE VOYAGE À ORANGE
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incapable de saisir une œuvre, et près duquel il faut toujours chanter victoire, crainte qu’il ne croie à la faiblesse d’un art dont les manifestations, encore qu’imparfaites, méritent les complaisances du lettré. À ces gens convient une critique grossière, fastueusement élogieuse, et gonflée de clichés. Je suis de ceux qui préfèrent une discussion motivée. C’est pourquoi je parlerai librement de la tragédie de M. des Rieux.

Ce ne fut pas un chef-d’œuvre, mais un début plus qu’honorable.

Nous sommes à un moment de notre théâtre où tous les gens de goût réclament des œuvres qui soient autre chose que du théâtre de boulevard. M. des Rieux a écrit une tragédie antique, et qui cependant n’était pas une simple traduction d’Euripide (1). Il a voulu être grand, il a parfois touché le but.

En particulier je le féliciterai de la rigueur avec quoi il n’est pas sorti de cet unique sujet de toute tragédie : la mort.

Cependant les malheurs d’Hécube à qui le rusé Polymnestor arrache sa fille Polyxène pour la


(1) Ces modifications, amalgames, mélanges, sont tout à fait dans l’esprit de notre tragédie classique.