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ANTÉE

Mais les hommes de mon sang, ceux qui veulent se contenter avec eux-mêmes, suivent leur chemin sans autre espoir que celui de continuer à vivre une vie qu’ils n’ont pas recherchée ; et s’ils ont un front plus large et soucieux, ce n’est pas à cause d’une terreur puérile : ils marchent dans la nuit et savent que les portes des mystères ne s’ouvriront jamais pour eux. Le problème tragique ne touche que des cœurs élevés au dessus des immédiates réalités ; mais les hommes lâches qui ne peuvent porter le poids de leur misère — s’abandonnant entre les mains de quelques habiles, porteurs de vêtements varicolores, fétichistes, marchands de gris-gris, de pain azyme, et autres accessoires de comédie — adorent dans un ciel inconnu une divinité confuse ; ce pendant que, magnifiques et délaissés, les sages continuent leur route, gardant en leurs yeux immobiles la mémoire des abîmes qu’ils ne purent franchir.

Ainsi, l’émotion qui me touche devant cet écra­sant symbole, est profonde, mais elle ne m’abaisse pas : je regarde, et je songe ; demain me trouvera pareil, et calme, et silencieux.

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Je n’écris pas ces lignes pour un vain peuple,